Question (2001)

Bonjour, ma problématique est simple à comprendre à première vue(isolement + rejet social + traumatismes), mais je pense qu'il est mieux que je fasse un (bref) résumé de ma vie avant de poser ma question.

Enfant je n'avais pas d'amis, uniquement mon frère jumeaux. Les rares contacts sociaux que j'ai eu à l'école étaient soit avec lui, soit quand j'étais victime d'harcèlement scolaire (surtout en primaire + collège). J'ai, sans surprise, eu des gros problèmes sociaux pendant toute cette période, avec une vie sociale quasi-nulle et une vie romantique & sexuelle (encore à ce jour) inexistante.

En arrivant à l'Université en faculté de Psychologie, j'ai réussi à me faire ma première vraie amie (à 19 ans), mais j'ai aussi atteint, vers 2021, un pic dans ma souffrance psychique, avec l'apparition de crises d'angoisse très sévères quasi-quotidiennes. J'ai tenté de consulter des psychologues / psychiatres et autre, mais ils n'en avaient RIEN à faire de moi : une psychiatre s'est ouvertement moquée de mes problèmes en face de moi, je devais être hospitalisé par décision de la psychiatre mais j'ai été refusé en arrivant en personne avec ma valise (apparemment tout était prêt et organisé à l'hôpital pour mon séjour, mais il a fallu attendre d'avoir fait tout le chemin pour me dire que mon cas "n'est pas assez grave en fait", comme si le téléphone n'existait pas.), et j'ai été agressé verbalement par un infirmier qui a très mal pris mon souhait de changer d'infirmier dans mon équipe référente. Autant vous dire que tous ces traumas me poursuivent encore, et que je ne fais aucunement confiance aux différentes instances liées à la santé mentale (ironique au vu de ma formation, je sais). Cette méfiance est également présente dans ce message.

Après cela, j'ai "magiquement" été mieux, je n'arriverais vraiment pas à expliquer comment, et ai réussi à me faire encore d'autres amies, la plupart étant encore dans ma vie aujourd'hui. Bien que la majorité soit désormais très loin de Genève pour leurs études, la force de ces liens est telle que l'on arrive à garder contact, je les aimes toutes énormément et je sens que c'est réciproque; j'ai reçu des compliments si beaux et intimes de la part de ces belles personnes, des adjectifs que je n'aurais jamais cru mériter étant enfant/ado, comme que je suis "super, drôle, intelligent, sympathique, réconfortant, résilient, unique", ou que j'ai "changé leur vision de l'amitié". Je pensais sincèrement que tout allait bien, et que j'avais réussi à, plus ou moins, surmonter tous mes traumas, et que la solitude ne serait plus une si grosse épine sous mon pied.

Puis j'ai été victime d'harcèlement de groupe dans une association universitaire dans laquelle j'étais, en octobre 2023. Et je me suis effondré. Sans réussir à me relever depuis.

J'ai maintenant extrêmement peur du monde entier, et je ne me sens plus capable de recréer ou de maintenir des nouveaux liens aussi forts. Il est devenu tellement difficile de juste parler aux gens, gérer les conversations sans dissocier complètement de ce qui est dit, ou de saisir les opportunités qui se présentent parfois à moi. Pourtant j'essaie de sortir de chez moi pour faire des activités: faire du sport, des hobbys, aller à des endroits avec du monde, mais je n'arrive pas à interagir efficacement avec autrui.

Je me sens vide, incapable d'aimer ou d'être aimé, et ça me brise le coeur. Ma meilleure amie est au courant de ces soucis, mais elle se sent tellement mal pour moi et impuissante pour m'aider que je suis réticent à lui en reparler, ou d'en parler plus en détails à ma famille ou aux autres amies qu'il me reste.

J'ai tenté de reprendre un suivi avec un psychothérapeute récemment, mais c'est encore trop tôt pour savoir si ça va m'aider; et j'apprécierais de ne pas recevoir une réponse du type "bah va voir le psy" s'il vous plaît.

Ma question: comment est-ce que je peux réussir à refaire ressortir mon potentiel, à redevenir une personne qui réussit à être dans le lien avec les autres et le monde ? Surmonter, une fois de plus, ces traumatismes pour être la personne que je souhaite être et devenir ? Redonner de l'amour quand j'en ressens souvent si peu pour moi-même ?

Merci de votre attention

Réponse

Nous lisons ton récit avec une grande attention et comprenons parfaitement que cette situation puisse te bouleverser. Nous tenons à souligner la clarté avec laquelle tu as exprimé tes sentiments. Bien que cela puisse paraître banal, le fait d’avoir mis ces mots par écrit est déjà un premier pas important. Écrire permet souvent d’explorer des formules, parfois "magiques", capables de soulager les tourments de l’esprit.

Les questions que tu te poses sont essentielles, car elles découlent directement des situations que tu as surmontées, mais aussi de celles qui restent à affronter. Comme tu l'exprimes si bien, tu as déjà franchi certaines montagnes de problème et trouvé des sommets où tu t'es sentie « mieux ». C’est pourquoi nous t’écrivons avec la conviction que tu retrouveras les chemins qui t’ont permis de surmonter ces obstacles.

Concernant ta relation avec les professionnel·les de la santé, il est totalement compréhensible que la confiance envers ceux·celle-ci soit difficile à retrouver à la suite d'expériences aussi douloureuses. Après les situations que tu as vécues, il nous semble d’autant plus beau de mettre en avant la période où tu t’es sentie mieux, sans vraiment savoir comment. Parfois, des situations de rejets peuvent réveiller une force intérieure inattendue, nous permettant de trouver, malgré tout, un chemin vers un mieux-être.

Que penses-tu de te replonger dans ce moment où tu t’es sentie « magiquement mieux » pour raviver régulièrement ce sentiment dans ton esprit ? Cela peut s’apparenter à de l’imagerie mentale, de la méditation, ou simplement à un exercice de centrage sur soi-même… Peu importe le nom que l’on donne à cet outil, le cerveau ne fait souvent pas la différence entre ce qui se passe réellement et ce qu’il imagine. C’est pourquoi, en te replongeant fréquemment dans cet état de bien-être, tu pourrais alléger tes souffrances actuelles jusqu'à lui montrer le chemin à retrouver pour aller mieux. Pour cela, tu pourrais t’installer dans un endroit calme et t’imaginer dans un lieu qui t’est cher, entourée de tes ami·e·s, ceux qui te sont proches et qui t’aiment en retour. Fais renaître intérieurement la sensation d’être « magiquement mieux », jour après jour, pourrait effectivement t'apporter un certain soulagement.

En parallèle de cela, nous t’encourageons à utiliser un autre outil puissant pour retrouver ton bien-être, que tu sembles avoir entre tes mains : ton entourage. Nous comprenons parfaitement qu’il puisse y avoir une réticence à en parler, de peur de déranger ou de gêner. Mais nous sommes là pour nos proches et souvent, nous souhaiterions qu’iels le sachent. Généralement, c’est réciproque : iels seraient ravi·e·s et reconnaissant·e·s de pouvoir aider une personne qui leur est chère. Cela te permettra aussi de voir si te confier à un·e psychologue serait utile ou si, déjà, le fait de t’ouvrir à des personnes de confiance peut créer un changement significatif en toi.

Enfin, tu nous as expliqué que tu te retrouves face aux mêmes problèmes qu’auparavant et que tu souhaites réussir à les dépasser à nouveau.

Tu n’es peut-être pas sans savoir qu’il y a différents chemins pour gravir une montagne ? Certaines faces sont plus difficiles que d’autres, comme les faces nord, couvertes de neige, glacées et dans l’ombre la majeure partie de la journée. Pourtant, ce sont ces faces-là qui restent gravées dans les mémoires des alpinistes lorsqu'ils parviennent à les surmonter. « Plus grand est l'obstacle, plus grande est la gloire de le surmonter », disait Molière. Mais avant de pouvoir affronter ces parois compliquées, il est nécessaire de commencer par s’entraîner sur des voies plus accessibles. Ce sont ces premières victoires que tu as déjà surpassées qui te donneront la force d’affronter les défis les plus complexes.

Nous t’invitons à avoir confiance en ta capacité à trouver la voie qui te permettra de dépasser ces obstacles, un pas après l’autre.

N’hésite pas à revenir si tu le souhaites, nous te souhaitons bon courage pour ta belle ascension vers le bien-être et restons à ta disposition.

L’équipe ontecoute.ch

Dernière modification le 3 décembre 2024

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